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 1. Les Epées de Marmin

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La Volonté de Kaen
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La Volonté de Kaen

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Date d'inscription : 20/09/2009

1. Les Epées de Marmin Vide
MessageSujet: 1. Les Epées de Marmin   1. Les Epées de Marmin Icon_minitimeMar 13 Nov - 1:50

Des herbes folles vacillaient sous le vent. Les coloris jaunes, ocres, verts d’eau dansaient avec langueur entre les pierres blanches qui étaient tombées d’un amoncellement construit de mains d’homme. D’autres galets formaient un tertre adossé à la paroi d’une falaise ridée par l’érosion des siècles qui étaient passés inexorablement dans cette partie du Multivers.

Assise, face au mausolée artisanal, une silhouette massive projetait une ombre que le soleil couchant allongeait au gré des minutes. Les cheveux de ténèbres s’étendaient sur le sol en langues serpentines, touchant presque la tombe improvisée. Cette dernière avait été édifiée dans un dénuement le plus total si ce n’était l’épée autour de laquelle on avait entassé les rochers. On n’en percevait que la garde saillante qui devait avoir été le chef-d’oeuvre d’un artisan orfèvre : le pommeau damasquiné de bronze figurait une flamme aux reflets liquides qui se prolongeait par une soie sculptée spécifiquement pour la main de son porteur. Les bossages et contre-reliefs suggéraient une moulure de sa main gauche sans pour autant enlever à l’objet sa qualité artistique, ni son côté igné.

La silhouette aux cheveux hirsutes se soulevait selon des contractions régulières. Les coudes sur ses genouillères d’acier, ses gantelets à ses pieds, il masquait nez et bouche de ses deux large paumes. Ses mâchoires ne se détendaient que par soubresauts mais ses yeux sombres parvenaient malgré tout à conserver leur dignité en distillant des perles d’eau qu’on aurait cru maîtrisées par leur créateur.

Derrière le guerrier en armure, un vieil homme en robe de bure épaisse avançait d’un pas lent. Sa barbe blanche et grise taillée en pointe était la seule partie visible de son visage sous cet éclairage crépusculaire. Il sortit une main presque glabre de sa manche. Les broderies de son bandeau crème sur tissu azur se posèrent avec une délicatesse infinie sur l’épaule métallique de son camarade :


« Je croyais que les grands guerriers ne pleurait pas. »

Après un reniflement, l’endeuillé tenta de se donner une contenance en balayant ses joues humides d’un geste sec.

« Et pourtant… » trop ému pour que son esprit puisse trouver une répartie, il se leva et se raccrocha simplement au passé, « tu m’as dit un jour que le grand guerrier choisissait ses batailles. Peut-être sait-il aussi choisir ses pleurs.
- Bonjour Marmin.
- Mon ami, »
répondit le Disciple en l’enveloppant de toute sa largeur pour une accolade brève et virile.
« Tu as toutes mes condoléances, mon frère, je sais à quel point il pouvait compter pour toi. »

Le silence fut la seule réponse du Défenseur de Centile. Sa gorge était encore trop serrée pour qu’il puisse articuler sa douleur. Mais la présence de son vieil ami suffisait, être là, un spectateur de sa peine, était en déjà en soi une consolation.

Le vent souffla la capuche du visage du vieil homme pour dévoiler ses yeux gris et les rides qui parcouraient une peau à l’éclat pourtant encore juvénile. Il jeta un regard au tertre et plissa la broussaille de ses sourcils rebelles.


« N’est-ce pas un peu trop humble pour l’une de tes Epées ? »

Marmin se retourna de même vers l’arme du gisant, et il recouvra la force déterminée que dégageait d’habitude son visage.

« Elle convient.

Quand je mourrai, je veux une tombe aussi simple. Mon épée immortelle et mon corps pourrissant. Et qu’un jour un homme de valeur vienne me la voler d’ailleurs. C’est tout ce que je demande au Multivers.


- Ah ! Toi ? Mourir ? Marmin, est-il un seul être capable de te tuer dans tous les incarnats ? »


Le guerrier ramassa ses gantelets avant de s’éloigner un peu de la tombe.

« Bien sûr qu’il en est un, Galu ! Tu le sais bien, aucun de nous n’est imbattable. Que ce soit dans mon sommeil ou dans le 5eme Voile, la mort m’attend quelque part. Jialle me l’a prédit il y a longtemps. »

Le Sage hocha la tête en signe de dénégation, durcissant également son visage pour forcer son ami à sortir de cet état d’âme négatif.

« Même elle ne peut pas voir aussi loin. Tu t’es entouré de la mort toute ta vie, mon ami, si bien qu’aujourd’hui elle est devenue ton alliée la plus intime. Elle ne saurait te trahir après un si bon compagnonnage ! Crois-moi Marmin, si la mort vient un jour pour toi, ce sera de ton plein gré et heureux que tu la suivras. »

Tous deux se mirent à marcher à l’unisson, l’un resserrant la sangle du ceinturon qui maintenait son sceptre-épée dans son dos, l’autre tapant son bâton mécanique surmonté d’une impressionnante lanterne rougeoyante.

« Et justement ! Regarde-moi Galu, une vie entière dédiée à la guerre. J’ai ôté la vie de trop nombreuses fois pour ne pas comprendre le phénomène. Tu sais, avec le temps, on arrive à voir ce moment, celui où même le plus valeureux des combattants sent sa fin, même une milliseconde. Cet instant porte toute la culpabilité du monde. J’enlève un père, un fils ou un mari de ma lame. Une femme le pleurera ou même tout un peuple. C’est une histoire qui ne pourra plus s’écrire, une somme d’évènements gâchés, une rédemption interdite.

La fin, Galu, la fin. Il n’y aura plus d’histoire sur l’Epée de la Flamme d’Eau. Quelque part, dans le Multivers, existe un monde où il a survécu et où une femme l’aimera intensément mais nous sommes trop faibles ou trop puissants pour nous y rendre. Ici, cette femme ne connaîtra pas la chaleur de sa peau, ne pourra pas admirer son courage et l’aider dans les moments difficiles.

Que ce soit un frère d’arme ou l’ennemi que j’abats, la mort est un tribu lourd à porter. Quand je pense à tous ces fils que j’ai coupé… j’en viens à attendre celui qui tranchera le mien. »


Ils arrivaient aux bords du renfoncement de la montagne où la tombe avait été élevée. La vallée de verdure noircissante clairsemée du gris des rochers s’étendait devant eux, leur soufflant son vide au visage.

« Sa femme ne portera pas son enfant… »

Galu tiqua à cette phrase. Il fit rouler ses yeux vers son partenaire, chercha une formule pour aborder un sujet épineux, puis renonça finalement. Plus tard, le moment n’est pas encore venu.

« Jouons… cela t’a toujours libéré l’esprit, » proposa plutôt le Sage d’une voix solennelle.

Un haussement d’épaules à peine motivé lui répondit.

------

Quelques gerbes de flammes tournoiyèrent pour laisser apparaître une table carrée en marbre blanc sans fioritures et deux fauteuils en cuir molletonné. Sur le marbre, deux bols de bois étaient remplis de pierres plates, les unes noires et les autres blanches. Un goban de verre était posé au milieu. Vide, il attendait que les âmes parlent à travers le jeu.

Sous un ciel qui s’étoilait d’astres vermeilles, verts et violets, le Preux s’assit, toujours vêtu en majeure partie de son acier. Il lâcha sa large épée à ses pieds dans un fracas court et brusque.


« Mhn… tes cuissardes vont abimer le cuir… »

Marmin fixa droit dans les yeux son ami en penchant la tête de côté l’air de dire. « Tu m’aurais pas confondu avec quelqu’un qui en avait quelque chose à foutre ? ». Galu céda pour se concentrer sur son bol de pions noirs. Il posa deux pierres dans les angles du damier à quatre lignes d’écart de chaque bord. Des pierres de handicap pour rééquilibrer l’écart de niveau entre blanc et noir.

Le grand combattant plissa le front :


« Seulement deux ?

- S’il y a bien un jour où je peux te battre, c’est aujourd’hui… »


Compter sur l’émotionnel. Forcer Marmin à vaincre sa faiblesse d’esprit du moment. Que l’orgueil chasse le deuil, que son sens de l’honneur regonfle sa voile pour qu’il quitte cet océan de chagrin.

Marmin posa une pierre blanche qui semblait minuscule entre ses doigts.


« Le jeu préféré de l’Artisan, » commenta Galu.

« Jamais joué contre lui.

- Il est bon. Moins que toi je pense, mais ça ne serait pas une partie facile. »


Quelques coups s’échangèrent. Galu positionna ses troupes sur les bords nord et ouest, convoitant un grand territoire afin d’inviter Marmin au combat. Il avait besoin de se défouler, de gagner mais d’une victoire méritée.

Alors, Marmin entama une invasion. Agressive, imprudente, contraire à son style réfléchi bien que capable de soubresauts de violence implacable.


« Comment est-il mort ? » demanda Galu, interrompant la concentration de son adversaire qui lisait une séquence complexe d’une trentaine de coups. Marmin ne quitta pas les yeux du goban et poursuivit sa réflexion en même temps qu’il parlait.

Bien, au moins sera-t-il moins disposer à dissimuler sa pensée.


« Le 5eme Voile. Nous sommes tombés face à un monstre de psyché. Une créature à la réalité changeante, impossible à appréhender. »

Marmin fit claquer sa pierre d’un coup sec. Il avait choisi l’option de non-retour, le chemin où la moindre erreur dans sa lecture du jeu lui serait fatale, mais qui annihilerait la position de l’adversaire s’il avait vu juste.

« Tu n’as pas tenté de battre en retraite ? Ou d’appeler du renfort ? Horini ? »

Le coup noir suivi immédiatement. Celui-ci était évident, forcé.

« Il était sur nous avant que je puisse réagir. Nous fûmes pris dans les anneaux de son illusion d’un coup… tous ensemble, tous les sept pris dans l’illusion. J’avais laissé l’Epée de la Flamme d’Eau en retrait pourtant, mais j’ai méjugé la créature. Elle était le sol, elle était chaque pierre, aussi grande qu’une ville…

Le vide, Galu, il nous a plongés dans un monde de vide. Une infinité de chute libre. Comment faire un portail quand on tombe pour toujours ? »


Quelques coups, l’éventail des possibles se resserrait, l’incertitude se faisait plus mince. L’un des joueurs voyait sa fin de plus en plus clairement.

« Et comment avez-vous ?...

- Je me suis passé mon épée en travers du corps. La douleur, bon sang, m’a permis de sortir de l’illusion pendant un instant. J’ai pu trancher la bête… le faire bouger, sortir les autres. Foutre d’un combat !

Mais sa gueule avait déjà déchiré… »


Il garda sa pierre en l’air, les larmes déjà ruisselantes sur ses pommettes. La victoire lui avait échappé depuis cinq coups déjà. Mais il continua son intention et écrasa sa pierre sur le damier avec une telle véhémence qu’il le fit éclater et brisa le marbre en deux de la table. Il laissa libre cours à son chagrin désormais… une tristesse haineuse, profonde qui lui faisait contracter son cou veineux, hurler à plein poumon. Arrachant l’herbe, recroquevillé sur lui-même, tout sortait enfin, sans contenance, en vrac, en touffes désordonnées, tout sortait à l’abri du regard des mortels. Inutile de porter le masque infaillible du Dieu en ces terres. Il avait le droit de penser que c’était sa faute. Le droit de penser qu’il vieillissait et que ses talents de stratèges l’avaient trahi, le droit de rejeter la faute sur les mondes entiers, sur Kaen, sur Jialle, sur sa quête maudite, sur le 5eme Voile, sur Centile, sur son épée. Oui, il voulait se donner le temps d’un entracte dans sa comédie divine, juste pour rejeter toute responsabilité et regarder vers le ciel en y cherchant une force transcendantale à blâmer.

Il voulait avoir le droit d’avoir tord et de le savoir.

Il voulait maudire tous ces hommes et ces créatures qu’il n’avait pas tués. Et il le fit.


« Tu es content alors ? le Sage a encore raison ? Il est mort parce que je suis guidé par mes émotions, qu’elles me rendent faible. Qu’à force de rechercher mon fils dans tout le Multivers, mes talents se sont émoussés ? C’est ça que tu voulais me montrer ?!! »

La fin de sa phrase s’acheva dans un halètement déformé. Galu mit une nouvelle fois sa main sur son épaule.

« Je suis triste Marmin. Je partage ta peine. Tu ne peux pas vivre sans tes émotions. Elles peuvent te rendre aussi fort que faible. Parfois, oui, elles aveuglent la prudence. Mais tu ne peux rejeter ta nature. Tu dois l’embrasser et non pas la fantasmer. »

Rejetant le Sage de son bras, il se releva de toute sa stature. Il voulait encore être triste mais Galu avait opéré la transformation en lui : le poids s’allégeait et c’était une sensation aussi délicieuse que coupable.

« Je suis un Dieu, Galu ! Ma nature est celle que je décide… »

Il ramassa son sceptre et fixa ses gantelets avec fermeté avant de commencer à tracer un portail qui répandit un feu factice sur les herbes jaunies.

« Où vas-tu, vieil ami ?

- Rejoindra mes Epées. Nous avons un mort à célébrer.

- Dans quel incarnat ?

- Aucune idée ! Un monde où il y a des chimères géantes à abattre, un village à sauver, des tonneaux de vin à vider et des femmes reconnaissantes à monter !»


Ainsi, le lotus de feu l’emporta au loin vers une dimension qui satisferait exactement ses désirs, tels qu’il les a choisis.

Galu se releva et lissa quelque peu les plis de sa robe. Il rit sobrement, sachant pertinemment que son ami allait se sentir un peu mieux chaque jour à partir de maintenant.


« Les Dieux choisissent leur nature… Ahah ! Marmin le mercenaire ou Marmin le Preux, ne trouve-t-il pas toujours le bonheur dans les mêmes endroits ? »




La suite dans « L’Oeil de Galu »

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