Tome 1 : La plume et l'épée, Episode 1 : Ecrivez d'abord la fin (Locke)

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Spoiler:

Le vent souffle si légèrement ce matin.

Tes cheveux gris se mêlent à la sueur pour te coller au visage. La chaleur de ta cellule est aussi insupportable que la lourdeur de tes fers. A moins que ce ne soit la moiteur de ta chemise de lin dont les coutures te mordillent la peau. Les cliquetis de tes chaînes répondent à ceux de la serrure. Un garde en chemise rouge sous un uniforme blanc vient te chercher. Il ôte son tricorne pour te saluer et tu sais toute l'admiration qu'il a pour toi. Ah Déesse, qu'il est loin le Centre de Nephta vu d'ici.

La foule siffle si lourdement le gouverneur.

Alors que tes poumons s'emplissent de l'air marin, le bruit du ressac au loin est de plus en plus couvert par les jurons. Progressivement, à mesure que tu t'approches de la Place du Cartel, tu entends les "Libérez-le ! Libérez-le !!" le disputer aux "A mort Gillian ! A mort le Gouverneur !" Il ne faut pas moins de deux bataillons de gardes pour tenir la foule en respect. Alors que les femmes te tendent leurs bras nus, tu te souviens de celles que tu as connues avant de venir sur cet incarnat. L'une d'elle fut celle de trop...

La corde se balance si légèrement.

[Plan caméra, zoom sur la boucle de la corde, Locke au milieu en perspective] Tu montes une à une les marches de bois, te permettant d'avoir une hauteur de vue sur la scène. Tu croises le regard d'un certain prêtre en robe verte et noire. Il t'accorde un signe de tête presque rassurant. Dire que seulement quelques lignes, quelques grammes d'encre t'ont conduit ici. Le Gouverneur Gillian est assis sur un trône ridicule en face de toi, bouffi de ses perruques blanches comme son teint parsemé de mouches. Le Juge Exeter déroule un parchemin pour déclamer d'un ton protocolaire :

"Monsieur Locke Eckhart, vous êtes accusé de haute trahison envers la République Impériale et la Confédération, de diffamation, de calomnies, d'avoir enfreint le 3^eme amendement du 42^eme article de la Constitution et de trouble de l'ordre public. Pour cela, le Gouverneur Gillian, souverain des terres de Niroy, représentant de l'autorité suprême du Président-Empereur Othon IX, te condamne à mourir."

Deux soldats te passent la corde au cou calmement.

"Le coupable veut-il prononcer ses derniers mots ?"

Dans l'assemblée, le silence tombe si lourdement.

Alors que je suis conduit jusqu’à la potence, je ne regarde qu’une chose, le ciel, bleu, vaste, sans limite, sans autres lois que celles de la physique, sans jugement arbitraire et imprévisible, sans stupides dirigeant et gouverneur. Mes pieds avancent d’eux même, au milieu d’une foule en délire. Une masse populaire qui a lu mes œuvres, et a su les apprécier à leur juste valeur. De nos jours certaines personnes n’ont vraiment plus aucun sens de la dérision, pourquoi faut-il que ce soit celles qui ont le pouvoir de vous passer la corde au cou, littéralement ? Au loin passe une mouette blanche comme la neige que ce gouverneur espère ne plus jamais me faire voir. Elle lâche un cri strident, puis un deuxième et enfin un troisième. Le bruit de la foule ne me semble plus qu’un écho lointain alors que je me concentre sur cet animal, libéré même de la gravité, et son cri me semble comme adressé, plein d’espoirs, mais aussi plein de détresse, comme si j’étais condamné. Tss, même les bêtes jouent mon jeu à présent, suis-je vraiment bon à ce point ?

Et alors que je me perds dans mes pensées, commence l’énumération sordide de mes « méfaits ». Ceci est ennuyeux à un point, mais cela me donne matière à réflexion pour mon ouvrage en cours. J’avais décidé de m’attaquer à la façon dont est rendue la justice ici-bas, mais ce n’est pas pour ça que je suis ici, et je ne le regrette pas. La prison ce n’est pas si terrible en fait, surtout quand le gardien admire votre travail et se sent mal à l’aise de faire ce qu’il fait, et qu’il est donc facile de lui imposer sa volonté. J’en ai connu d’autres, beaucoup de pire. Tss, se rendent ils compte que c’est dans l’ennui et la solitude que vient l’inspiration, et qu’ils ne font qu’ajouter de l’eau à mon moulin ? Non ! Ce n’est pas qu’ils soient stupides, je les qualifierais même d’assez malin, sinon ils ne seraient pas à leur position, le pouvoir étant un poste à risque, mais ils ne sont pas pour autant très compréhensif, et bien informés sur la situation.

La liste cesse et l’on me met ce qu’ils pensent être l’instrument de ma sentence. S’ils savaient qu’ils leur suffisaient de cesser de me pourchasser et de me donner de la matière à travailler pour me faire taire à jamais. Mais non, ils ne pensent qu’a la pire des solutions, l’exécution publique. La corde est vraiment mal faite et usée, elle me gratte terriblement le cou, et je serai content de m’en débarrasser rapidement.

« Le coupable veut-il prononcer ses derniers mots ? »

Un demi-sourire nait sur mon visage que je rejette en arrière d’un air condescendant, provocateur. Je détourne la tête un instant, et mon sourire se change à la vue de l’immense foule qui n’est retenu qu’à grand peine. Lorsque je ramène mon regard vers le gouverneur, le dessin de mes lèvres est plus provocateur encore que ma posture.

« Oui je désire faire des aveux mon cher gouverneur. Je l’avoue, je suis stupide ! »

Je laisse ma déclaration en suspens quelques instant puis reprends.

« Oui, je suis stupide d’avoir cru en ce pays, en ce gouvernement. Oui monsieur, je suis un indécrottable niais, j’ai même cru en la justice ! Ah, la justice ! Mais que signifie ce terme ? Je vous le demande cher gouverneur ! Non ne répondez pas au risque de paraitre idiot, c’était juste une question rhétorique. La justice a toujours été symbolisé par une balance parfaitement équilibré, signifiant que les sentences qu’elles prononcent sont à la fois justes, adaptées et méritées, mais aussi impartiales. Impartial … Voilà un bien grand mot. Un idéal, moi-même je dois l’admettre, l’objectivité totale n’existe pas, et je dirais même que l’objectivité à tout prix est même un mal. Mais dans ce cas, que faut-il faire ? Comment s’assurer qu’un jugement s’approche de l’impartialité. Et bien je vais vous le dire… »

Je me mets à crier, et au fur et à mesures que mon discours se déroule, j’augmente encore plus le son de ma voix, au point de me faire mal à la gorge, mais ce que je vais dire doit être dit au monde entier.

« Il faut faire appel à la subjectivité du plus grand nombre. Rassemblez nombres de gens, soumettez leur l’affaire, dites-leur tout, tous les points, toutes les preuves, qu’ils écoutent et la version de l’accusation et celle de la défense, et qu’à la fin ils rendent un verdict le plus impartial possible, car si ils sont très nombreux à dire la même chose alors qu’ils sont en toute connaissance de causes, c’est qu’ils ont sans doute raisons. »

Je me détourne du gouverneur et du juge, lève les bras en l’air malgré ma menotte, et me m’époumone, permettant à ma voix de porter plus loin qu’elle ne l’a jamais fait.

« Alors monsieur le gouverneur, monsieur le juge je vous demande de raconter en détail l’affaire à cette foule ici présente afin qu’elle puisse rendre un juste verdict ! »

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Spoiler:

[Vingt années centiliennes plus tôt...]

Tu es assis à une table dans un immense Mediastore de la Seconde Couronne de Nephta. Il commence à se faire tard... tu jettes un coup d'oeil sur ta montre d'argent faite sur-mesure : 19h04. Soit un peu plus de cinq heures que tu signes des autographes et la queue commence tout juste à désemplir. Tu fais un peu les arrêts de jeu mais il te suffit d'un signe auprès du gérant pour "fermer le guichet".

Vous devez dîner ensemble ce soir avec sa femme et ta "plus une" à toi.

"Vraiment, je l'ai encore plus adoré que le troisième..." te dit une trentagénaire en serrant son livre fraîchement dédicacé contre sa poitrine, "mais est-ce que Hugues est vraiment mort ? Moi je suis certaine qu'il le fait croire par amour pour Judith."

Une question dont le manque d'originalité n'a d'égal que l'intensité de ta fatigue. Mais bon, elle a le mérite de le demander avec un sourire vraiment ravissant.

J’ai des fourmis dans les jambes à force de rester assis, et ma main me fait horriblement mal. La célébrité est ce qui me maintient en vie, mais bonne déesse, qu’est-ce que ça fait mal d’être en vie. Tss, et puis toujours cette question pour Hugues, pourtant j’ai laissé une bonne demi tonne d’indices concernant son sort réel. Comment ça se fait que personne n’ait relevé la contradiction pourtant évidente dans sa lettre de suicide entre sa nature, ses intentions et les faits récents ? Personne n’a remarqué qu’en inversant les lettres du nom de Hernan Vuog, son mortel ennemi, puis en plaçant celui-ci devant le prénom, on obtenait Gouv’ Hernan, comme un gouverneur, ou gouvernement ! Puis zut, ce n’était pas assez visible la personnification de la Mort que j’ai faite, sa comparaison à un gardien, de prison, bien évidemment. Tss, déprimant.

Je suis tellement perdu dans mes pensées, et mon geste de signature devenu tellement mécanique, que je ne remarque la personne à qui je suis en train de signer qu’a l’instant où elle sert mon ouvrage contre sa poitrine, cachant malheureusement son avantageux décolleté que je devine à l’échancrure de son col, et me pose la question fatidique.

Elle est vraiment très jolie, quoi que son visage, encerclé par une cascade ondulante de cheveux d’un roux flamboyant, puisse paraitre un peu trop chevalin, et que dans ma posture je n’ai pas l’occasion de pouvoir juger la partie inférieure de son corps. Son sourire éclatant empêche de sortir de mes lèvres toutes les répliques cinglantes que j’ai accumulées en prévision de la prochaine fois qu’on me poserait cette question. Je rétablis ma posture, sors mon sourire le plus commercial, à défaut de charmeur, que je suis incapable de produire après cette éprouvante journée, et me réjouis intérieurement des délices du métier d’écrivain.

« Cela madame, c’est à vous de le décider. Un mystère n’en est pas un si il n’y a pas d’indice. Et un indice s’interprète donc. A vous de voir si c’est là ce que j’ai signifié, ou alors imaginez quelques choses de plus romanesque. Cela fera de votre vision de l’histoire une vision personnelle, qui n’appartient qu’à vous, c’est là le cadeau que j’offre à mes lecteurs, et surtout mes lectrices qui veulent en profiter, chère dame … hum … euh comment avez dit que vous vous appeliez déjà »

Je déroule tout cela sur le ton de la conversation.

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Ses yeux pétillent et elle se penche un peu plus, montrant qu'elle entend bien rester plus longtemps que son prédécesseur :

"Lucy... c'est Lucy.

Pour moi, c'est sûr qu'il ne s'est pas suicidé. Ca m'est venu quand j'ai relu la deuxième fois. La rencontre avec Miguel, l'illusionniste. Mes amies disent que non parce que la rencontre ne fait qu'un ou deux paragraphes, mais je peux pas croire que la rencontre était gratuite. Parce qu'avec vous, Locke, rien n'est jamais gratuit."

Même si ça s'impatiente derrière d'après les piétinements, et le chuintement discret des soupirs, elle n'en a manifestement rien à foutre. Ses doigts caressent malgré elle la bretelle de son cache-coeur vert évanescent quand elle t'assène un autre pain de sucre des demandes de fan-girl :

"Mais je me demandais, où vous trouviez l'inspiration ?" Elle rajoute immédiatement derrière, comme pour cacher la naïveté de sa question peut-être, "parce que pour la scène sur le tertre de Lucte, au moment de la traîtrise, j'ai trouvé que ça ressemblait énormément à Ghelion comme décor. On se croirait vraiment dans la cité de Céri."

Manifestement, elle a déjà voyagé dans d'autres incarnats. Elle doit venir du Centre... si elle a fait tout ce chemin pour toi, cela explique son insistance.

Alors que je détecte l’alléchant mouvement qu’elle fait de sa main, je ne peux réprimer un léger changement dans mon sourire, qui semble désormais un peu plus « intéressé ». Elle m’explique ses raisons de ne pas croire au suicide. Miguel, oui ce cher Miguel. Ce saltimbanque, libre comme l’air, pratiquant la magie en plein jour, en vivant. Effectivement sa rencontre avec la « liberté » elle-même à bien une raison à voir avec son « suicide », puisque l’on ne peut désirer que ce qu’on connait, et si il ne l’avait pas désiré, il n’aurait pas eu ces soucis.

« Lucy, c’est un très joli prénom. Effectivement ma chère Lucy, cette rencontre est très significative. Mais comme toujours, à vous d’en trouver la signification. Je ne laisse que peu de chose au hasard, mais relisez bien une troisième fois, et vous verrez que celui-ci intervient quand même plus d’une fois, car la chance fait bien des choses. Par exemple le fait d’avoir lu un de mes ouvrages pour la première fois, y est forcément du. Vous avez été informé de mes écrits par hasard, en tombant dessus dans une bibliothèque, parce qu’une amie vous en a parlé, ou un collègue. Un fort heureux hasard par ailleurs. »

Derrière la foule commence à s’impatienter, et je lui jette un rapide coup d’œil, les cinq prochaines dédicaces sont pour des quinquagénaires au moins, non, je crois que je vais profiter encore un peu de la présence de cette « Lucy », après tout j’ai un bon nombre de joli admiratrice, mais c’est pas pour autant qu’il faut les renvoyer quand elles se présentent.

Elle me parle ensuite de mon inspiration. Je me prépare à lâcher un soupir quand elle continue sur sa lancée. Je me redresse immédiatement, et joint les mains au-dessus de la table. Visiblement la conversation sera plus intéressante que ce que je pensais.

« Vous avez donc voyagée dans les incarnats. Peu nombreux sont ceux à avoir cette chance. Ah oui, la cité de Céri, un très bel endroit … »

Et surtout un donjon peu hospitalier. Oh je ne dis pas que le maitre du coin n’ait pas de sens de l’humour, je trouve juste que celui-ci est particulièrement vicié, surtout quand il dit qu’il me cède sa place avec bonne grâce et que je me retrouve cloîtré au sommet de la plus haute tour du coin, où j’avais dit qu’il devrait être enfermé pour ses mœurs décadentes et ses habitudes malsaines, surtout en matière de jeunes filles, de très jeunes filles.

« Effectivement j’y suis allé. Je possède un bon petit pécule grâce au succès de mes livres, et je peux me permettre un peu de dépaysement de temps en temps. »

Il ne m’a même pas fourni de papier en cellule celui-là, j’ai dû déposer à même le sol, avec un bout de craie qu’un garde à bien voulu m’apporter, mon inspiration du moment, du coup, quand mon geôlier en chef l’a vu, j’ai pris double peine, heureusement qu'on me fait toujours sortir avant leurs termes.

« Pas que mon imagination souffre de l’agitation de la ville, juste qu’elle renferme de nombreuses tentations, souvent chronophages, si vous voyez ce que je veux dire.»

C’est vrai qu’en prison, je n’ai pas souvent le choix quant à mes distractions.

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Oui Ghelion... ta curiosité t'a poussée à sortir des terres sous autorité centilienne dans ce monde et tu t'es retrouvé dans la geôle d'un potentat local. Ce ne fut l'intervention des forces armées du Seigneur de Guerre Qeglin Thervin qui te libéra. D'après ce que tu as lu et entendu par la suite, le château a été rasé et les survivants soumis. Un souvenir difficile, que tu n'as pas voulu divulguer au grand public.

"Oui je comprends bien. D'ailleurs, je dois moi aussi partir vers d'autres tentations..."

Sa voix te réveille de ta torpeur alors qu'elle te touche le bras timidement.

"Merci beaucoup et bonne inspiration pour la suite."

Sur ce, elle commence à s'en aller, te dévoilant une jupe blanche à volant en coupe biseautée montant un peu au-dessus du genou. Puis dans un mouvement faisant voler délicieusement les corolles de son habit, elle se retourne pour te dire tout en reculant :

"Au fait, peut-être qu'un jour vous verrez que moi aussi j'ai quelques points communs avec Miguel."

Elle t'adresse un quart de clin d'oeil puis ses boucles rouquines l'emportent au loin.

Le contact de sa main sur mon bras me procure un léger frisson. Je ressens une légère peine alors qu’elle se met à reculer, bien que la vision de ses jambes, découvertes par son mouvement de tour sur elle-même, m’apporte une certaine félicité.

"Au fait, peut-être qu'un jour vous verrez que moi aussi j'ai quelques points communs avec Miguel."

« Cela je n’en doute pas ! »

Après cette légère phrase, sans doute pas très significative, puisque je ne connais pas grand-chose de cette Lucy, je retombe lourdement dans mon siège, et pousse un court soupir. Le bel oiseau qui est venu me parler s’en est allé bien plus vite que ce que je ne l’aurais souhaité. Bah, on ne peut pas tout avoir. Un autre soupir me vient à la vision de la prochaine à vouloir un autographe. Une quinquagénaire, sans doute riche puisque refaite, très mal refaite d’ailleurs. A sa place j’intenterais un procès à son chirurgien, ou alors à son propre cerveau pour « gouts esthétiques douteux », enfin bon je n’ai pas d’avis à donner, après tout tant qu’elle lit les bouquins,

Pendant que je signe, je tords le cou et pousse un nouveau soupir à la vue de la queue, toujours d’une taille conséquente. J’en viendrais presque à me plaindre d’avoir tant de succès. Cette masse d’idiot, tss, ça me fait presque mal de leur devoir ma survie. Je doute que pas une personne de la file n’ait compris mon bouquin et son sens caché, pourtant très mal cachés, et avec un bon paquets de petite allusion, métaphore, figure de style ou même doubles sens qui l’indiquent. Bah, au moins les quelques personnes à peu près intelligentes de cette planète le comprennent, et ça me fait le plus grand bien, sauf bien évidemment quand elles travaillent pour le gouvernement et traduisent mes propos à leur propos, qui étrangement, vraiment, décide de tenter de m’enfermer ou de me condamner à mort pour ça. Enfin, bon heureusement il y a quelques exceptions, ou alors esprits facilement manipulables au pouvoir, souvent convaincu par des personnes ayant appréciés mon ouvrages. Ça m’a sauvé la mise plus d’une fois. En fait si j’y pense, je n’ai jamais mené une peine de prison à son terme, et ça tombe bien, la majorité étant des peines à perpétuité, quand ce n’est pas "perpétuité avec diminution de l'espérance de vie au moyen d'un coupertet pour que ça dure moins longtemps". En même temps pourquoi suis-je assez idiot pour voyager dans les incarnats moi. C’est vrai qu’ils sont bien plus beaux que cette ville, et en même temps, plus dangereux.

Je reprends mon esprit divaguant en secouant la tête, et je finis ma signature en suspens avant de crier :

« Suivant ! »

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Alors que ton poignet finit ton autographe d'un mouvement preste, quelque chose tombe de ta manche. Une petite carte de jeu. La dame de pique, raturée d'une suite de chiffres, ressemblant farouchement un numéro de téléphone.

Un bonheur n'arrivant jamais seul, un vigile du médiastore se met derrière la dernière personne de la fil, interdisant aux nouveaux venus de la rejoindre. Tu sais maintenant exactement combien de gribouillis il te reste à faire.

Alors que la surprise peut se lire sur mon visage un court instant lorsque la carte tombe de ma manche, il est ensuite éclairé d’un franc sourire lorsque je le ramasse. Cette chère Lucy serait donc un peu prestidigitatrice sur les bords ? Un trait étonnant. Je retourne la carte et en dévoile une suite de chiffre, ressemblant à un numéro de téléphone.

Ah que la vie est belle, songe-je alors que je me détends sur mon siège, puis ayant besoin d’un peu de distraction, je ramène la carte devant mon visage, comme pour la montrer à la dame de devant.

« Vous voyez cette carte, chère madame ? »

Je passe alors mon autre main, la gauche, devant, les doigts resserré mais déplié, comme pour en faire un écran. Elle passe sans s’arrêter devant la main droite, et lorsqu’elle la dépasse, la carte semble avoir disparu. Je l’ai en fait simplement fait glisser dans ma manche. Un tour de débutant, simple comme bonjour, mais la surprise que tente de feindre les traits trop tirés pour être expressif de la dame de devant m’amuse un peu. Je lui rends alors son livre, dédicacé, et appelle le suivant.

La file continue de défiler, heureusement amputé d’un bon nombre de ses membres par le vigile. Je lui en remettrai une copie par membres de sa famille avec une phrase spéciale pour chacun d’eux, et même un bout du script du prochain livre pour le remercier.

Dans la queue qui finit par se rétrécir, je ne croise pas d’autres jolies demoiselles, si ce n’est un groupe de trois étudiantes des beaux-arts âgées de même pas vingt années, hystériques à souhait, et si la petite brune aurait pu m’intéresser fortement, et que je lui aurais volontiers donné des cours privé, j’étais un peu découragé par la présence de son petit ami, qui doit bien faire une tête et trente kilos de plus que moi, et de toute façon j’ai la carte de Lucy sur moi. Dès que j’ai eu un court moment d’inattention de la file, je l’ai glissé dans la poche arrière de mon pantalon.

Lorsque la dernière personne s’en repart avec son autographe, je me détends complétement, glissant sur mon siège en exhalant un long soupir, puis me lève et passe les mains sur mes cuisses endolories. Elles le sont moins que mes fesses certes, mais il est plutôt inconvenant de se frotter le derrière en société, même si elle n’est ici représentée que par quelques fans et le personnel de l’endroit.

Je sors la carte de la poche de mon pantalon, adresse un signe de tête au vigile lui indiquant que je vais chercher un coin tranquille pour me délasser un instant, puis, hors de vue, je sors mon com'unix et compose le numéro inscrit sur la carte. J’appuie alors sur le bouton d’appel, et attends de voir ce qui se passe.

[Edit MJ : les portables c'est soooo 3^eme Couronne. A partir de la Seconde, on a des com'unix, des portables plus discrets qui peuvent se cacher derrière l'oreille et capables de projections holographiques.]

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Il est un peu plus de 19h30 quand tu as finis. Le Gérant, Mr. Cunnigham, s'apprête à te rejoindre au moment où tu te lèves mais te laisse tranquille dès que tu sors ton com'unix. Vous avez rendez-vous vers 20h à l'hôtel-restaurant Thonil, mais la séance de dédicace tardive vous fera certainement arriver plus tard.

Tu composes le numéro près du rayon "cinéma à scènes inclusives" pour entendre la charmante voix de Lucy te répondre après quelques sonneries :

"Lucy Lockbell ?"

Mon cœur fait un léger bon quand j’entends la voix de Lucy dans le com’unix. Le doute est monté en moi quelques instants, et j’ai eu peur que ce ne soit pas son numéro, ou qu’elle ne décroche pas pour une quelconque raison, mais non. J’en suis soulagé.

Je porte à hauteur de mes yeux la carte qu’elle m’a donnée, la faisant tourner entre mes doigts alors que j’énonce ces mots d’une voix assurée et, je dois l’admettre, un peu enjôleuse !

« Bonjour ou plutôt bonsoir, dame de pique ! Vous avez effectivement quelques points communs avec Miguel. Je dois avouer avoir été plus qu’agréablement surpris par votre petit tour. Pourtant j’en connais un peu sur les manœuvres des illusionnistes, j’ai dû faire des recherches pour mes livres, mais là je n’ai rien vu venir. Vraiment, bravo ! Et puis quelle belle façon de me donner le moyen de recontacter une de mes lectrices ! »

Je marque un petit silence puis je reprends.

« Alors, que me vaut l’immense honneur d’avoir eu votre numéro ? »

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

La voix se fait soudain plus rapide et plus sèche :

"Parce que je suis une alliée de votre combat Locke, parce que ce soir, vous avez rendez-vous à l'hotêl Thonil et que ce soir, le H.C.C. va envoyer l'un de ses agents pour vous humilier publiquement devant l'un de vos plus grands distributeurs.

Ils veulent saper vos ventes, dégoûter vos éditeurs. Fermer votre micro.

Si vous ne voulez pas avoir à affronter ça. Je serai à l'angle de Bosha et Dell's dans dix minutes."

Le choix t'appartient : confronter ton ennemi ou lui montrer que tu auras toujours un coup d'avance.

Alors que j’entends ces mots mon cœur se serre un peu, et je me mets à réfléchir à la situation. Bien évidemment que des gens ont compris le sens caché de ce dernier livre, certains, à force d’interprétation, peut être mieux que moi-même. Comment je vais pouvoir m’en sortir ce coup-là. Une humiliation, c’est ce qu’ils veulent me faire subir ? Mais qu’ont-ils sur moi ? Auraient-ils découvert que je suis un 42-3 ? Non ça m’étonnerait, et même, vu mon combat contre cette article de la constitution m’inculper de ce motif ne ferait que les ridiculiser. Quoi d’autres alors ? Sans doute des mensonges, et des mensonges plus vraisemblables que la vérité elle-même. Tss, pourquoi faut-il qu'il m’arrive toujours des trucs comme ça !

J’arrête de faire tourner la carte entre mes doigts et la remet dans ma poche de derrière, je reste silencieux un bon moment, en levant la tête au ciel. Après tout qui me dit qu’elle n’est pas là pour me confondre elle-même, un agent envoyé pour m’éliminer discrètement. Je pousse un soupir et sourit en rebaissant la tête. Même si la célébrité est un puissant moyen d’attirance, comment ai-je pu croire au petit jeu d’une si jolie fille. Après tout mon physique est loin d’être au-dessus de la norme, avec mes épaules larges dans un corps maigres, ma taille un peu en dessous de la moyenne, mon visage loin de celui d’un Apollon, puis il faut avouer que mes cheveux anormalement gris platine pour mon âge, bien que je les trouve d’une classe à toute épreuves, ne sont peut-être pas du goût de la gente féminine.

Je me rends compte de ma distraction et me frappe la tête de deux petits coups à l’arrière du crâne, pour m’aider à me remettre les idées en place. Après tout je me rends compte que cela a bien peu d’importance, et que si elle veut m’éliminer discrètement, je ne pourrais sans doute pas l’en empêcher mais que de toute façon, ils ne peuvent pas en finir avec moi maintenant, pas tant qu’ils ne m’ont pas trainé dans la boue.

Je rassemble mon assurance et dit au com’unix :

« Vous aviez raison Lucy, Hughes ne s’est pas suicidé, et c’est bien pour Judith que cette lettre de suicide a été laissé. Mais vous aviez tort sur un point. Si l’amour à son rôle à jouer dans cette histoire, et même dans cette lettre qui y est enraciné, il n’est jamais le seul à agir. Et vous aviez tort sur un autre point, je laisse beaucoup de chose au hasard, mais d'autre n'ont pas cette délicatesse »

Je marque un petit silence, le temps qu’elle comprenne ma phrase.

« Faites en sorte que notre entrevue ne dure pas plus de 20 minutes, un gentleman arrive toujours un retard, mais seulement un peu. »

Je sors du rayon, vais chercher mon manteau, et vais voir le gérant pour lui dire

« Désolé mon vieux, je risque d’être un peu en retard pour le diner de ce soir. Mes amitiés et mes excuses à ta femme, et surtout à son repas qui sera un peu froid. Désolé pour ton estomac, mais tu me connais, j’aime bien me faire attendre. »

Et je sors du magasin, afin de rejoindre le point de rendez-vous fixé par ma belle Dame de Pique !

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Un peu interloqué, Cunningham tente un gentil coup de pression à la volée :

"Pas plus d'une heure, hein !..."

Te voilà donc dehors, sur un trottoir bordant une route métallique où se croisent des véhiculent ovoïdes et des modèles plus anciens sur pneumatiques non-magnétiques. Les tons lumineux des enseignes holographiques contrastent avec le noir et blanc des costumes qui sont nombreux à cette heure de pointe.

Tu croises des travaux sur une chaussée, avant de prendre une avenue inclinée coupée à angle droit par une rue tout à fait plate. un tramway blanc au fuselage aérodynamique passe devant toi avec un tintement chargement pour te révéler un coupé noir aux roues sphériques à l'angle des rues indiquées. La porte passager s'ouvre et Lucy démarre.

Tu remarques que ses vêtements ont changé. Ils sont probablement métamorphes comme la mode les apprécie en ce moment. Le cache-coeur a laissé place à un chemisier cintré un peu plus ample au niveau des manches en flanel. La jupe désormais noire a pris une forme un peu plus stricte bien qu'elle soit légèrement plus courte.

Elle jette un journal de style 4^eme Couronne sur les genoux. Le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].

Arrivé à l’heure, je remarque la voiture, et ne peux m’empêcher un léger sourire condescendant que je m’efforce de vite ravaler avant que Lucy ne me voie. Un rendez-vous dans un coin de ruelle sombre, et une discussion dans une voiture. Si banale et pathétique, enfin bon, je suppose que je n’ai pas le choix, manquerai plus que je la joue peu fine moi aussi.

A peine ais-je pensé à cela que je change mes vêtements métamorphes. Me voilà affublé d’un long manteau de cuir beige, d’un ridicule chapeau typique du gars qui veut être discret dans les films. Un gros clichés, mais je ne peux m’empêcher de le faire.

Avant de rentrer dans la voiture j’effectue un salut avec mon chapeau, et note avec joie la courteur de la jupe noire de Lucy, bien qu’elle soit plus stricte que le modèle à volants, que tout compte fait je préférais. Bah, on ne peut pas tout avoir dans la vie.

Je m’assois sans un mot sur le siège passager, aussi près de Lucy que la bienséance me le permet, je pose mon chapeau à côté de moi, et je rajuste mon manteau lorsque Lucy me jette un journal bien typique de la période industrielle de la quatrième couronne.

Je le parcours vite fait, et arbore un franc sourire de surprise, et une légère joie se met à poindre en moi. Ainsi je serais responsable d’une révolution dans la quatrième couronne, c’est excitant. La quatrième couronne, un endroit dans lequel je passerai bien, si je n’étais pas si accro aux ordinateurs qui ne sont malheureusement disponibles qu’à partir de la troisième. Bon si je comprends bien je viens de me faire deux ennemis d’un coup. Un riche industriel qui à vue son usine détruite par des rebelles dont le grondement est nourri par mes écrits, ainsi que le dirigeant locale contre qui est bien évidemment dirigé cette rébellion.

Je repose le journal sur mes genoux et me retourne vers Lucy. Elle est décidemment très jolie, les habits sévères qu’elle a actuellement lui confèrent une grande beauté, certes plus froide et moins rafraichissante que sa précédente tenue, mais pas moins excitante. Déesse, que j’ai de formidables lectrices, et si en plus elles viennent me prévenir de mes nouveaux ennemis, même si de base, j’en ai trop pour tenir une liste à jour de toute façon.

« Ma très chère, je vous remercie grandement de votre attention, mais je pense que cela ira. Après tout ce ne sont que des hommes de la quatrième couronne, alors que j’en ai déjà qui sont des puissants dans la première. J’ai connu les geôles de plusieurs potentat, et, vous le savez aussi bien que moi, si jamais ma flamme s’éteint, jamais plus on ne pourra la rallumer telle qu’elle était auparavant. »

Je glisse sur mon siège, mes fesses en sortant presque, me donnant une posture nonchalante et insouciante, ce qui est exactement ce que je veux.

« Allez ne vous en faites pas, vous l’aurez le quatrième volume, je vous en donnerai même le premier exemplaire avec une dédicace spéciale de ma part, en personne, pour vous remercier de votre inquiétude, et parce que ça me fait plaisir. »

Je me redresse et profite de mes propos pour poser la main sur son genou comme si c’était un simple geste pour la rassurer. Sa peau nacrée est douce au toucher, et ce contact fort agréable, et je le laisserais trainer aussi longtemps que cela m’est permis par mes propos ou son bon vouloir.

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

Alors que ta main s'était posée une ou deux secondes, tu sens ton bras partir, celui de Lucy s'enrouler autour dans une torsion qu'elle semble connaître par coeur. Tu te penches pour limiter le début de douleur et ta tête finit par toucher l'habitacle, au niveau de l'air-bag.

Vous passez un carrefour alors que tu entends des sirènes retentir tout près. Dès que vous avez dépassé le croisement, elle relâche la pression. Ton geste était-il déplacé ou cherchait-elle à te cacher des forces de police ?

"A ce genre de jeu, les insouciants perdent les premiers...

C'est plus gros que vous ne pensez."

Voyant qu'elle a peut-être un peu trop forcé, elle a une moue désolée.

"Pardon, je ne voulais pas vous blesser.

C'est une manoeuvre politique. S'il y a des violences et un tremblement économique, même dans la 4^eme, les Sénateurs auxquels vous vous attaquez vont s'en saisir. Prétextant de calmer les flambées de violence, ils vont s'attirer la sympathie du public. Le même qui pense que Hugues s'est suicidé et que vous n'écrivez que pour les midinettes.

Et vous l'avez vu aujourd'hui... ils sont nombreux."

Elle tourne pour prendre le pont enjambant la Great River vers une zone industrielle qui te semble bien loin d'un dîner à 200 Nyaas au Thonil.

Mon ardeur est calmée avec brutalité et la torsion sur mon bras me déchire l’épaule de souffrance. Je sais que j’ai peut-être été un peu vite, mais une telle réaction. Quand même, je ne suis pas à ce point repoussant, si ?

Je ne comprends que lorsque retentissent les sirènes de polices, et encore, je comprends surtout que cette demoiselle est un peu trop zélée. Après tout je suis un écrivain connu du grand public, et je n’ai rien à me reprocher, si ce n’est l’infraction au troisième amendement de l’article 42, mais ça, je suis presque sûr que cela n’a pas filtré, même si la police sais sans aucun doute que toute ma famille possédait des dons magiques.

Lorsqu’elle relâche la pression et m’offre son pardon, je me redresse d’un air farouche, j’ai un peu mal pris cette réaction, et malgré ses paroles je ne comprends toujours par sa réaction, et surtout qui est-elle pour vouloir m’aider. Et je suis, je dois l’avouer, un peu piqué au vif par la description de « pour midinette » qu’elle fait à mes ouvrages.

« Vous vous savoir la vérité ? C’est une option que j’ai déjà envisagé, et j’ai déjà deux scénarii et trois pamphlets en tête sur les fausses bonnes actions à but politique. Je ne suis pas plus que ça inquiété, et je vous le dis, je suis même tout émoustillé de savoir que mes ouvrages embrasent une révolution. J’écris depuis mes 4 ans, depuis mes quatorze ans ma plume s’est mis à écumer les rivages politiques, et depuis mes 18 ans je suis marqué comme « l’ennemi secret numéro 1 » dans tous les papiers « officieux » des « officiels ». Et puis le calme des flambées de violences des sénateurs, on le connait, c’est d’envoyer ~~un seigneur de guerre~~ l'armée « pacifier » la zone. Certes bon nombres d’idiots sont ensuite convaincu par le discours des médias qui parle de « cause juste », mais je n’en ai pas besoin de ces idiots, si ce n’est pour avoir de l’argent. Ils me servent de bouclier certes, mais dans une très moindre mesure, et un bouclier ne sert à rien sans épée pour répliquer, et j’ai des fragments de cette épée dans toutes les sphères qui compte. Bien que je répète sans cesse que seuls les fumiers parviennent aux pouvoirs et que les autres deviennent corrompus, il y en a certains qui sont assez intelligent pour comprendre qu’il existe des exceptions, et le simple fait de comprendre fait d’eux ces « exceptions » j’ai du soutien. Ils ont entendu cette phrase « parce qu’il n’y a que les petites gens qui craignent les petits écrit » et l’ont saisis. J’ai quelques sénateurs talentueux sous mon charme. Bien évidemment ils sont trop peu nombreux pour changer les choses à grandes échelles, et contrer totalement les autres membres, mais ils n’hésitent pas à me rendre un service. »

Je me rends compte que mon ton s’est embarqué sur celui de la colère, alors je cesse mon discours, détourne le regard un instant en me traitant intérieurement d’idiot, et voit ce que nous sommes en train de traverser.

« Je m’excuse de mon ton, comme je vous l’ai dit il reste encore des choses pour vous à comprendre dans mon ouvrage, relisez le une troisième fois, et concentrez-vous bien sur Miguel et sur Judith, laissez donc Hughes à son suicide pour l’instant, vous ne l’étudierez qu’à la quatrième relecture, quand la troisième vous aura donné les clés pour le comprendre. Vous verrez alors où je veux réellement vous amener. Et alors vous saurez que je périrais cent fois si c’était le prix à payer pour que ne serait-ce qu’une personne comprenne réellement tout le sort d’Hughes et vienne me le dire en face, puis ne laisse pas, indifférent, cette trouvaille moisir. »

Je laisse tomber les mots dans un souffle, emporté par ma passion du récit, puis je me détourne un instant, rebâti un sourire sur mon visage et en observant le décor, je déclare.

« En parlant « d’emmener », ou est-ce que l’on va ? »

[Edit MJ : Les Seigneurs de Guerre n'ont que des mandats concernant les autres incarnats. Sur Centile, c'est l'armée régulière ou les autorités qui règlent ce genre de problème.]

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

"Voir Hughes," dit-elle alors qu'elle emprunte une bretelle de sortie pour vous emmener vers les docks. Vous zigzaguez entre les tubes de bétons, les filins entassés et les grues de débarquement où quelques pêcheurs sont encore affairés. Puis, elle bifurque devant une zone d'empilement de containers de diverses couleurs unies et s'enfonce dans le quadrillage qu'ils forment. Enfin, elle s'arrête devant un container précis.

Vous descendez. Elle tire la poignet de la lourde porte métallique en prononçant d'un ton officiel :

"Locke, je vous présente Orme Fijon."

La lumière s'engouffre dans la boîte de métal pour révéler un espace bien plus grand que son volume ne le laisserait penser. Il est évident qu'une technologie de distorsion spatiale a été utilisée sur ce container. Tu découvres une salle où une vingtaine d'hommes et femmes s'affairent sur des ordinateurs bien alignés. Un homme brun aux cheveux courts et bouc bien taillé se lève pour venir vers vous. Ses vêtements sont un étrange mélange à mi-chemin entre le costume sobre et la bure des prêtres.

Tu connais bien évidemment Orme Fijon, c'est un ancien prêtre qui s'est excommunié lui-même face aux incuries du Culte. Il serait le leader de l'Ordre de Veritas, une faction secrète rassemblant des anciens prêtres, des 42-3 et de nombreux opposants au régime Centilien.

Il te tend une main amicale :

"Merci d'être venu M. Eckhart. Nous avons beaucoup de choses à nous dire..."

« Voir Hughes » ? Ça devient de plus en plus intéressant. Hahaha, si elle savait ce qu’était vraiment Hughes, on serait dans la quatrième couronne et non dans des docks appartenant à la deuxième. Enfin bon, cette formulation à au moins le mérite d’éveiller ma curiosité. Mais les docks, toujours un truc banal. Bon dieu où sont passés les châteaux volants, les planques dans les forêts et les lac secrets. De nos jours on n’a plus le droit qu’à des caves de bar-tabac, et des entrepôts. Tss, c’est d’un déprimant. Bon d’accord, pour les lacs et les forêts dans la deuxième couronne c’est un peu plus compliqué, mais enfin c’est bien plus drôle et romanesque.

La voiture s’arrête devant un container. D’apparence il est totalement banale, et n’as rien de diffèrent des autres, mais lorsque Lucy pousse la porte, je me retrouve dans un véritable QG top secret qui serait digne des plus grand films si Lucy se tenait derrière un bureau à l’angle pour faire le rôle de la « jolie secrétaire ». Mais non elle ne va pas rejoindre de bureau, elle se pose à mes côtés et d’un geste de la main me présente un homme que je ne connais que trop bien, enfin de nom au moins. Je suis un peu surpris de le trouver ici, et je suis effaré devant son style vestimentaire. Bon, d’accord, moi non plus avec mes tenues usuellement juste sobres et pratiques, je ne suis pas au sommet de la mode, mais quand même. Ceci n'est ni esthétique ni confortable.

Il me tend la main et m’annonce la bienvenue, ainsi que son intention de me parler de nombreuses choses. Avant de lui serrer la main, je porte ma montre à gousset à mes yeux et observe l’heure. C’est un très vieux modèle certes, mais je suis tombé amoureux de cet ouvrage fait d’un métal vert qui m’est inconnu. Délicieusement ornée, elle m’accompagne partout. Et après avoir pris ma main dans la sienne et l’avoir secoué un petit coup, je la retire puis prononce ces mots de ma voix calme et posés, un brin légère, un peu méprisante, qui est ma marque de fabrique.

« Oui, beaucoup de choses à nous dire monsieur, et si peu de temps pour le faire ! Voyez-vous j’avais un diner à 20 heures au Thonil et si je m’en réfère à ma montre qui avance un peu, je suis déjà presque en retard sans compter le trajet de retour. Surtout que si je comprends la chère demoiselle que vous avez envoyée me chercher, j’ai un invité mystère qui m’attends. J’ai déjà prévenu de mon retard, et on m’a formellement interdit de l’être de plus d’une heure. Alors, dites-moi « Hughes », monsieur Fijon si vous préférez, que me vaut l’honneur de vous être présenté en personne. »

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

"La véritable question est de savoir pourquoi nous ne nous sommes pas rencontrés plutôt," dit-il alors que Lucy referme la porte du container. Le noir tombe un instant, uniquement troué par les écrans des ordinateurs avant que des néons au plafond ne crépitent d'eux-même.

Il t'invite à faire quelques pas à sa suite plus au fond de la salle.

"Vous êtes un membre naturel de notre cause et vous semblez étranger à la peur. Mais la contre-offensive de vos ennemis ne saurait tarder... c'est pour ça que nous sommes intervenus. Vous avez un talent d'une trop grande valeur pour qu'on le laisse se perdre à cause de votre orgueil."

Il t'amène près d'un ordinateur et demande à la femme qui y est assis de te montrer un dossier. Tu y vois un homme, probablement d'origine Xi'orienne, et un ensemble de brochure de journaux à son sujet.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

"Cet homme, c'est Juba Kim Wu, un inspecteur du HCC, votre invité mystère. Selon nos renseignements, il s'est fait une spécialité d'éliminer les gêneurs en votre genre. Nous avons tenté à plusieurs reprises de le mettre hors circuit directement ou indirectement, même nos meilleurs agents s'y sont cassés les dents."

A ses mots, tu sens que Lucy se raidit et son regard se perd un instant.

"Si vous êtes toujours certain de vouloir aller à ce dîner. Vous devez au moins y être préparé M. Eckhart. Pour survivre à ce genre d'individu, il va falloir frapper bien plus fort que vous ne l'avez jamais fait."

J’écoute sa première série de reproche, agrémenté d’un petit compliment.

« Je vois très bien en quoi mon talent est très utile, et si vous voulez je vous dédicacerais le tome 2 de la « Magie d’Elitnec », je devine aisément qu’il s’agit de votre préféré. Sinon, non je ne suis pas étranger à la peur, je suis peut-être le plus grand froussard de tout Centile, et c’est pour ça que je vais y aller, car j’ai peur, et pour le gérant, et pour sa femme, et pour mon œuvre, et mes éditeurs. La liste s’arrête là vu que je suis actuellement célibataire, et que je n’ai pas eu l’occasion de me faire des tonnes d’amis, mais je pense que vous avez compris. Et puis après tout, depuis mes dix-huit ans je suis devenu immortel grâce à mes écrits, pourquoi aurais-je peur de ma mort ? »

Je le suis ensuite devant un ordinateur où est affiché en grand la photo d’un homme, l’invité mystère du diner. Il porte un costume vieillot mais élégant sur la photo, et à la vue du bouton de rose, je suis prêt à parier qu’il la porte quasiment en permanence, ou qu’il l’a en plusieurs exemplaires. Il ne m’inspire rien de particulier en lui-même, je ne lui trouve ni l’air avenant, ni l’air taciturne. Presque parfaitement banal, et cela m’inquiète. Je parie que si je contactais ce cher vieux Ikeull de la SII, qui a pourtant des dossiers sur tous les citoyens de ce monde, officieux comme officiels, j’en suis certain, il ne trouverait qu’une note indiquant « employé modèle, mari modèle, père modèle, sans histoire » de compromettant dans son CV.

Pourtant le monsieur Fijon à ma droite m’en livre une toute autre version. Apparemment il serait un éliminateur de gêneur. Tss, c’est ainsi qu’on me qualifie ? C’est vraiment vexant. Pour un peu j’écrirais un pamphlet sur les gens qui ne donnent pas leur juste valeur aux autres. Ah non ça je l’ai déjà traité de façon implicite dans le « Livre d’Ecclesia » ! Suis-je bête ? Enfin bon, ce n’est pas le problème. Ainsi cette personne veut m’éliminer, sans doute par volonté de gloire personnelle. Je ne pense pas qu’un officiel puisse tenter le risque de m’éliminer, ou alors c’est qu’il est bien arrogant. Ma gloire est trop récente dans le cœur des gens, j’ai des accusions explicite qui sont parues le mois dernier, et ils savent tous que j’ai trois ou quatre script planquées et donné à des éditeurs courageux qui pourront les faires paraitres. Tiens je ferais peut être bien d’en remettre des copies à ce monsieur Fijon en face de moi d’ailleurs.

Il m’annonce que si je veux le confronter, je dois être prêt.

« Très bien, et qu’avez-vous donc à me proposer ? »

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

A ta tirade sur tes craintes, tu sens que, comme d'habitude, ton arrogance presque proverbiale les agace malgré eux. Mais Orme poursuit :

"Etre journaliste de guerre pour un combat qui s'est déjà passé. Ecrire avec le ton que vous seul pouvez manier un livre relatant les horreurs d'une campagne dont les exactions ont été cachées du grand public.

Vous êtes destinés à quelque chose de plus grand que des écrits cryptiques et quelques piques assassines, M. Eckhart", te dit-il en te tenant un peu le bras.

"Vous pourriez changer ce monde et si cela vous paraît trop vague et trop impossible comme ambition. Alors dites-vous, qu'au moins, vous pourriez libérer votre famille."

La phrase tombe comme un couperet. Sait-il où ils sont ?

Le surprise m’étreint d’abord, ensuite vient la baisse d’humeur, je ne me sens plus aussi insouciant qu’il y a quelques instant, vient la après la colère de ce honteux chantage, saupoudrée d’un grain d’espoir. Mais je fais attention de ne pas perdre contenance, de rester égal à moi-même, le seul signe de nervosité que je laisse trahir est de me passer la main dans mes cheveux noués à l’arrière par une queue de cheval, ils ont poussé bien long à force de ma fainéantise qui m’a empêcher de trouver le temps d’aller voir un coiffeur. Je réfléchis un peu à la situation, et main toujours derrière le crâne j’annonce :

« Ma famille vous dites ? Après dix-huit longues années ? Libérer des 42-3 ? Je ne pense pas que cela soit dans vos moyens. Déjà en tant que pratiquants de la magie leur première prison devait en être une de très haute sécurité, mais là maintenant qu’en plus je me suis mis à attaquer le gouvernement ? Il faudrait sans doute 3 incarnats de guerrier suréquipé pour aller les aider ! Et savoir où ils sont ne m’avancerais pas à grand-chose ! Non ! »

Ma main continue de descendre le long de ma nuque puis passe lentement, mais avec force, sur mon épaule en la massant, puis je reprends.

« Non ! Par contre votre proposition de changer le monde, m’intéresse bien plus, jusque-là je n’ai reçu que de vaines réponses, à vrai dire je doute aussi de la réalité de la vôtre. Les seuls à avoir suivi mes écrits sont ces révolutionnaire de la quatrième couronne, et eux ne sont ni venu me chercher, ni ne m’ont abreuvé d’inutiles discours et je n'ai appris leur existence qu'au moyen d'un journal. Passez aux faits, et je jugerai moi-même votre offre. Sinon, je peux toujours me contenter de … qu’avez-vous dit ? Ah oui ! « Piques assassines » et « écrits cryptiques » ! »

Je croise mes bras sur ma poitrine d’un air fier. Je passe sans doute pour un salaud de première de ne pas penser à ma famille, et c’est bien mon but. Ils veulent du Locke Eckhart ? Je vais leur en donner moi ! Du pur, du dur, du rustre. J’ai jusque-là toujours combattu seule, juste avec ma plume et mes idéaux, alors je ne vais pas me laisser dicter ma conduite par une grognasse en jupette et un moine parjure sous prétexte qu’ils prétendent savoir où est ma famille qui est déjà enfermé depuis 18 ans en prison !

« Alors ? j’attends ! Comment puis-je changer le monde ? Quelle est ma valeur ? »

Admin Messages : 7168 Date d'inscription : 20/09/2009

"Il y a quatre ans, un mandat a été voté concernant l'invasion d'un incarnat nommé Niroy. Celle-ci fut menée par Qeglin Thervin qui conquit l'incarnat en six mois. La prêtresse en charge du Prieuré qui a été construit sur Niroy s'appelait Dominique Kadare, une proche de l'inspecteur Kim Wu" dit-il en tapant son doigt contre l'écran.

"Sous ses ordres, il y avait un prêtre du nom d'Alexei Orlov qui a disparu subitement avant d'être appréhendé et condamné pour traîtrise.

Il y a trois mois, son corps a été retrouvé dans le fleuve jouxtant un camp de concentration de Xi'or," commente-t-il en te faisant toujours défiler les documents associés.

"L'un de nos membres est parvenu à se procurer le rapport d'autopsie et a relevé de multiples incohérences dans son dossier qui nous porte à croire qu'Alexei Orlov est toujours vivant et est parvenu à s'échapper.

Nous devons savoir ce qu'il sait. Toute la campagne de Niroy a été une oeuvre de censure journalistique de premier ordre, menée de main de maître par le Chancelier de la Défense, Enrique Gomez. Il s'est passé quelque chose là-bas que le gouvernement ne veut pas révéler.

Si nous pouvions récolter son témoignage et le coucher sous votre plume, nous obtiendrons une arme politique de premier plan pour attaquer les plus hauts dignitaires."

C'est Lucy qui te demande avec dix fois plus d'espoir dans les yeux et de sincérité dans la voix que lors de votre première rencontre :

"Etes-vous prêt à nous aider, Locke ? Pouvez-vous être notre voix ?"